Monsieur Mathieu, quel premier bilan dressez-vous de votre partenariat avec Cactus entamé début 2021?
René Mathieu: Le bilan est très positif. Je suis vraiment content de ce partenariat parce qu’il y a eu pas mal de retombées.
Maintenant, on voudrait aller encore plus loin et je pense que les messages donnés la première année n’étaient qu’un début. Cactus fait dans la continuité, a toujours prôné la nature, les produits locaux. Ce sont des gens qui se soucient de l’état de la planète, et il faut mettre cette approche en avant. Mario et moi sommes vraiment super contents de cette collaboration.
En fait, nous sommes en train de construire les fondations. Avec Cactus, nous avons fait un premier pas, et le deuxième suit maintenant avec la BD. Après, il y en aura d'autres. C'est petit à petit qu'on se rend compte de l’importance des messages qu'on transmet. Et dans tout cela, ce n’est pas René Mathieu qui est important, mais ce qui va se passer après, comment les gens vont interpréter ces messages.
La nouvelle BD s’inscrit donc dans la continuation avec une approche très originale…
Oui, on s'est dit que la sensibilisation doit continuer. La bande dessinée vise tout le monde, bien que nous nous adressions au public avec une approche jeune et ludique. Les adultes ont peut-être tendance à ne pas s’intéresser trop à ces problèmes et changements, mais je crois en la jeunesse et leur volonté de faire autrement.
Je constate depuis un ou deux ans dans notre restaurant que les jeunes sont très sensibles à cette thématique, ils sont conscients et prêts à manger moins de viande, au profit de produits de saison et locaux. Je pense surtout aux jeunes entre 18 et 25 ans, qui créeront une famille et qui auront des enfants bientôt, et qui voudront leur transmettre certains messages. Le changement prend quelques générations.
Nous communiquons beaucoup avec nos clients dans le restaurant. Cela me permet de transmettre ma philosophie végétale en leur expliquant brièvement de quels produits il s’agit, et je leur confie l’une ou l’autre astuce. En fait, c’est une autre manière de communication, proche du produit et proche du client.
Nous ne sauverons pas la planète. La planète, elle, se sauvera toute seule. En revanche, l’être humain est appelé à tout entreprendre pour pouvoir rester le plus longtemps possible sur cette planète!
Comment la bande dessinée est-elle conçue?
De manière très personnelle: René Mathieu et sa fille Louise ainsi que Mario Willems et son fils Theo sont les personnages principaux. D’autres s’ajouteront au fil des histoires, par exemple une herboriste qui expliquera comment cueillir des plantes et quelles précautions il faut prendre.
Nous expliquerons ce qu’est la fermentation, nous nous rendrons dans un laboratoire. Nous parlerons de la vigne, de la pomme de terre, de l’eau… Et puis nos personnages visiteront des producteurs. Nous mettons toujours de l'humour, parce que c'est comme cela que les gens vont retenir nos messages.
La BD thématisera aussi l'entraide, un sujet qui vous est cher…
À la Toussaint, les gosses vident les potirons pour faire des têtes de citrouilles. Mais à un moment donné, je dis aux enfants que c’est du gaspillage. Alors, joignons l'utile à l'agréable, et préparons un potage en cuisine. Et puis, prenons la voiture et allons chez les sans-abris pourle leur offrir! Ou prenons Noël: On n’a pas besoin de caviar, mais on peut faire quelque chose de très simple. Noël, c’est la famille, on prend soin de ses enfants et on prend le temps. Nous traiterons chaque fois les sujets de cette manière.
Comment procédez-vous pour la réalisation des différentes planches de la bande dessinée?
Je mets en avant mes idées, mes inspirations, ma manière d’aborder un sujet. Et Mario prépare les textes. C’est un travail commun. Mais pour arriver à faire quelque chose de bien, il faut s’investir pendant des journées entières parce qu'autrement cela ne mène à rien. Il y a beaucoup de paroles parce que cela sert à faire passer un message. Il y aura des pages plus visuelles mais pour expliquer par exemple la durabilité, il faut mettre des mots. Les sujets sont très divers. Nous emmenons les enfants dans la forêt pour présenter les produits végétaux naturels et de proximité. Et puis nous présentons ces pommiers marqués d’un ruban blanc dont les fruits sont à la disposition de tout le monde gratuitement. Ce sont des initiatives importantes.
Le projet a commencé à voir le jour l'année passée. Nous avons rencontré le dessinateur David Tassinari une première fois en janvier 2021. Concevoir une BD, ce n'est pas évident, et donc nous avons pris conseil chez des spécialistes professionnels. Une bande dessinée, cela prend au moins 18 ou 24 mois… Il y a eu des journées très chargées pour concevoir les histoires, et puis de temps en temps, il faut aussi prévoir des journées de répit, de pause. C’est important pour pouvoir repartir de plus belle.
Donc vous proposez les sujets, vous les développez avec les dialogues et puis c'est le dessinateur qui prend la relève?
Oui, nous faisons un croquis avec l'histoire et son développement. Nous expliquons sur chaque vignette ce qui va se passer. Ensuite, le dessinateur met son humour personnel. C’est un travail d’équipe et nous procédons à des réglages quand il y a trop ou pas assez de contenu. Au stade actuel, nous avons terminé environ 20 planches, la moitié de toute la bande dessinée. Nous suivons le cycle des saisons: nous nous trouvons en fin d’été et nous commencerons la semaine prochaine avec la récolte des fruits…
Le végétal primera-t-il dans la bande dessinée, comme dans votre restaurant?
Non, au contraire. Bien sûr, nous expliquerons ce que c’est que la cuisine végétale et nous mettrons en avant les bienfaits de cette cuisine. Mais nous visitons aussi une ferme pour parler d’œufs frais ou de viande bovine, mais en mettant l’accent sur la production locale: on peut manger de la viande de temps en temps, mais consommons la viande d’ici et non pas celle qui vient du bout du monde.
Nous mettons en avant le terroir luxembourgeois, car beaucoup de gens ne sortent jamais de la ville et ne se rendent pas compte de ce qu’il y a autour. Il y a la proximité, et il y a les saisons. Au printemps, nous parlerons des asperges, des petites pouces… Nous parlerons des plantes qui peuvent guérir des maladies. Prenons l’hiver, est-ce une saison triste? Pas du tout, il y a plein de choses à expliquer, c’est la période des soirées en famille avec les enfants. Et puis, pourquoi y a-t-il de moins en moins de neige? Nous tentons d’expliquer en images ce qui se passe aujourd’hui, ce que nous pouvons faire tous pour contrer cela, des petites choses au quotidien.
Notre but, c’est de sensibiliser les gens. Nous ne voulons pas montrer du doigt les gens qui se fichent un peu de nos propos, ce n’est pas le but. Nous optons pour une approche gentillette sans pour autant tomber dans la légèreté: il y a des choses qui vont mal et il faut en parler. Claude François