… et donc pour le pinot blanc, un peu délaissé par le grand public ?
Oui, c’est dommage, caril est très intéressant pour la gastronomie. Le pinot blanc profite lui aussi de rendements moins importants, c’est un cépage qui a besoin d’un grand millésime pour qu’il puisse développer toute sa richesse aromatique. Le millésime 2020 par exemple est l’un des meilleurs de ces dernières années pour le pinot blanc.
J’aime servir le pinot blanc sur des huîtres ou sur le caviar, sur les crustacés en général et sur des poissons crus. Je ne suis pas un amateur de vins trop jeunes, mais on peut approcher le pinot blanc plus tôt que l’auxerrois, pour profiter de sa fraîcheur et de sa minéralité.
Est-ce que vous servez du pinot gris sur le poisson?
On peut le faire, mais il faut que le profil du vin soit adapté au plat. Je recommande de le servir plutôt sur des préparations avec des champignons, et on devra choisir un vin un peu âgé pour marier le pinot gris à des plats gastronomiques. Il accompagne bien des viandes blanches comme le veau ou les volailles, une poularde par exemple, et toujours accompagnés de champignons. Et un pinot gris bien ample et riche ira bien avec le foie poêlé aux fruits confits.
Le chardonnay a le vent en poupe. Est-ce que vous recommandez des vins barriqués ou non barriqués en gastronomie?
Les deux sont intéressants, mais l’accord gourmand est différent. Le chardonnay doit lui aussi avoir développé un certain gras, il faut qu’il soit ample et dense pour s’adapter au poisson. Il ne faut pas nécessairement beaucoup de sauce, un beurre blanc peut suffire pourl’accord harmonieux entre un chardonnay non barriqué et un poisson d’eau douce, la truite ou la truite saumonée par exemple. Mais on servira le chardonnay – ou le pinot blanc – passé en barrique sur des poissons plus prestigieux comme un turbot servi avec une sauce à la crème.
Le chardonnay est en tout cas un cépage intéressant pour la gastronomie. En fait, un plat prestigieux requiert un vin prestigieux, et donc il faut qu’un vin barriqué soit à la hauteur des attentes!
Passons au riesling, le cépage-roi des blancs. Est-ce que vous le servez aussi sur les fromages?
Oui, j’adore le riesling sur les fromages! Bien qu’il soit toujours de coutume de demander un vin rouge, je suis persuadé qu’un riesling se marie parfaitement à de nombreux fromages de chèvre ou des fromages crémeux comme un Brillat-Savarin. Car là aussi, l’acidité du riesling et le gras du fromage forment un contraste gustatif très intéressant, ils sont complémentaires.
Mais bien sûr, un riesling d’un certain âge va de pair avec des plats de poisson, c’est un accord idéal. Je préconise de choisir des rieslings de millésimes remontant à cinq ans ou davantage, mais j’admets que les rieslings 2018 commencent déjà à s’ouvrir. Et puis, le riesling s’adapte très bien aussi aux crustacés, c’est le compagnon idéal du homard et de la langoustine en préparation chaude. Vous savez, un bon accord mets et vins résulte des contrastes. On ne sert pas de vin acidulé comme un riesling sur un plat citronné, cela ne marche pas. Mais l’acidité d’un riesling absorbe la graisse d’un foie gras, c’est un beau mariage gustatif qui profite de l’effet des contrastes.
Par contre, un plat sucré requiert un vin sucré, sinon il va s’écraser – une vendange tardive s’adapte très bien à un dessert doux… ou au foie gras puisqu’elle est forte en acidité et en sucre, cela marche très bien.
Recommandez-vous un vin blanc sur une viande rouge?
Non! J’ai évidemment essayé de marier par exemple le riesling ou le pinot gris sur des viandes rouges, mais cela ne marche pas vraiment.
Je préfère largement le pinot noir ou le saint-laurent, un cépage que j’aime beaucoup, il est adapté aux régions viticoles si tuées plus au Nord, mais il doit s’épanouir pendant de nombreuses années. J’aime le boire sur des viandes rouges plus grasses comme l’entrecôte, ou sur du gibier au goût relevé comme le marcassin.
Le pinot noir s’adapte évidemment à la viande rouge juteuse; il peut être servi par exemple sur le chapon ou sur du gibier moins fort en goût, comme le chevreuil. De toute évidence, les bons accords dépendent également des préparations, des sauces et des accompagnements…
Le gewürztraminer a ses adeptes, mais il est peu répandu. A quels plats associez-vous ce cépage aromatique?
Effectivement, le gewürztraminer n’est pas aussi demandé, mais c’est un cépage qui a sa place à table. Je ne le servirais pas sur le foie gras en début de repas, car les vins suivants auraient de la peine à s’exprimer. Mais il s’adapte très bien aux fromages et aux desserts – attention cependant, car les gewürz traminers de la Moselle luxembourgeoise sont assez marqués par l’acidité – on ne trouve guère de vendanges tardives -, et donc il faudra veiller au bon accord avec les desserts.
Est-ce que vous préconisez un menu entier autour de Crémant de Luxembourg?
Oui on peut le faire, bien qu’un menu arrosé uniquement de crémant peut être fatigant. C’est une alternative, et je suis partant quand on me le demande dans le restaurant. On doit seulement considérer les différents assemblages des crémants: on a les cuvées classiques avec les cépages traditionnels, mais aussi des cuvées ambitieuses à base de chardonnay et de pinot noir, ou même des cuvées monocépage qui peuvent être très intéressants. Et bien sûr il y a aussi les crémants rosés.
D’ailleurs, les crémants extrabruts ou sans dosage, donc très secs, qui sont proposés par de plus en plus de vignerons, sont très bien adaptés à l’apéritif, c’est une véritable option en début de repas. Claude François