La culbute
On pourra utiliser tous les superlatifs possibles et imaginables, finalement ce sont les premiers concernés qui en parlent le mieux: particulier investisseur ayant acheté un appartement sur plan il y a 7 ans route de Rollingergrund (ville), Jean-Michel s’apprête à le revendre en empochant 50 % supplémentaires par rapport au prix d’achat. Nous blaguons (mais jaune, il faut bien le confesser) nous disant que si nous avions su, nous serions nombreux à avoir investi en masse dans l‘immobilier tant que les prix étaient encore, sinon accessibles, au moins envisageables… Comme le souligne Delphine Romano de chez Inowai, la montée du prix de l’immobilier s’explique par le principe de l’offre et de la demande, cette dernière étant indubitablement plus forte que l’offre. Il manque de structures de logement pour les quelques 10.000 personnes arrivant chaque année au Grand-Duché (et par là même de structures de services telles écoles, crèches, etc... que les communes n’arrivent pas à fournir).
La tentation
La demande est dopée par la conjoncture puisque les conditions socio-économiques sont favorables, l’accès au crédit tentant avec des taux d’intérêts bas et le prêt quasiment au prix d’un loyer. Les particuliers s’orientent d’autant plus vers l’achat que l’immobilier est une valeur d’investissement. La plus-value semble encore possible et la fiscalité est favorable notamment en immobilier neuf. Côté investisseurs, la fiscalité sur l‘immobilier neuf permet de déduire les amortissements sur les recettes locatives à hauteur de 6 % sur les six premières années d’où un déficit fictif, rappelle encore Inowai.
Ah, la pierre ...
Permettez-nous l’expression, chers lecteurs, l’immobilier claque au Grand-Duché. Mais quelle forme cet essor va-t-il prendre? C’est bien la question que le tout Luxembourg se pose, habitants, autochtones, expatriés confondus. En attendant une hypothétique baisse, soulignons que nombreux sont ceux qui se résolvent à habiter loin. Dans les villes et villages où les prix ne se sont pas encore embrasés (quoique). Ou plus loin encore, passant l’une ou l’autre frontière, dans les Allemagne, Belgique ou France voisines, quitte à passer beaucoup de temps dans les transports. L’agence immobilière DB Immo s’est spécialisée dans les projets «bord frontière» et propose cette année 42 logements en France toute proche (Crusnes) et Belgique (Longeau). «Nous offrons ainsi une solution aux Luxembourgeois à revenus faibles de pouvoir évoluer dans un espace de vie correct tout en ne s’éloignant pas du Luxembourg, tous nos projets ayant la particularité d’être localisés en proche frontière.»
De l’attrait de l’appartement neuf
Pour ceux qui désirent rester dans notre petit coin de paradis, les chiffres donnent le tournis: après une augmentation globale de 6 % des prix en 2016, puis 5,6 % en 2017 et 7,1 % en 2018… les résultats sont tombés pour 2019: +11,4%! Un record historique, «une nette accélération des taux observés les trimestres précédents», souligne sobrement le Statec. Dans le détail, le prix de l’appartement ancien augmente de 10,7 % tandis que l’appartement neuf grimpe à 11,5 %. Il est un fait indiscutable que les biens neufs sont plus convoités que jamais au Luxembourg. Pour acheter un appartement dans le centre, il faut tabler sur une moyenne de 530.000 euros, selon la surface et l’état du bien. Un prix qui sans surprise a augmenté de 6 % sur les douze derniers mois. Les deux pièces sont les plus recherchés et ils représentent près de la moitié des ventes de biens neufs. La demande se concentre principalement sur le centre et le sud du pays.
Si le cœur et le portefeuille vous en disent, sachez que les secteurs les plus courus et conséquemment les plus chers, sont Luxembourg et sa première couronne (Strassen, Bertrange, Hesperange, Sandweiler…) avec une moyenne de 7 000 euros le m2 . Les secteurs les plus abordables restent dans le Nord: Esch-sur-Sûre, Boulaide, Bourscheid, et le Nord-Est, dans des communes telles Beaufort ou Berdorf où les tarifs avoisinent plutôt les 4 000 euros le m2 .
Mon précieux
Catherine Laurence du groupe Unicorn et Delphine Romano de Inowaï se font l’écho l’une de l’autre: «Il y a un déséquilibre flagrant entre l’offre et la demande et le nombre de citoyens augmentant chaque année, les biens deviennent précieux... », précise-t-on chez Unicorn. «L’augmentation de la population engendre une demande de logements croissante qui n’est pas satisfaite par le nombre de nouveaux logements créés. Cette pénurie entraîne une forte hausse continue du prix des logements.» Corollaire négatif ou tout au moins dommageable pour l’aspirant à la propriété, la lenteur administrative semble doper le marché immobilier. Pour Catherine Laurence, les délais administratifs pour obtenir les autorisations nécessaires aux constructions ralentissent les transactions. De là à imaginer un effet papillon créant encore plus de demandes, il n’y a pas loin… Mais différents éléments viennent également freiner la création de logements. La rareté des terrains disponibles mais aussi une certaine pénurie de main d’œuvre et d’encadrement (les entreprises de construction tournent en effet à plein régime et doivent parfois refuser des chantiers). Comme on le souligne chez BPI Real Estate, les procédures de marchés publics gagneraient à être allégées afin d’augmenter les logements à prix modérés ou sociaux, permettant au passage aux privés de construire pour le public, comme dans nombres de pays voisins.
Battle ancien / moderne
Les projets neufs mettent du temps à être commercialisés. Il n’est pas rare de choisir sur plan et de voir le bien délivré deux ans plus tard. Le neuf reste plus cher de 10 à 15 % mais les biens de qualité étant rares et peu souvent disponibles de suite, les plus impatients craquent sur l’ancien. Néanmoins, les avantages à devenir propriétaire dans le neuf sont nombreux et directement liés à l’état du bien. Ainsi, tous les travaux préalablement gérés par le promoteur permettent de jouir d’un bien aux normes avec des frais d’entretien limités pendant environ dix années. Les économies d’énergie (grâce aux normes) et le taux de TVA réduit permettent de compenser les difficultés pour le client à se projeter sur un achat sur plan, aux délais importants voire parfois incertains.
Hausse des prix, que faire?
Comme nous l’avons illustré précédemment, la montée du prix de l’immobilier s’explique par le manque de nouveaux biens à vendre. Mais il convient également de prendre en compte les nouvelles normes requises: les certificats de performance énergétique (CPE) exigés pour les nouvelles constructions participent également de l’envol des prix du foncier neuf.
Afin de juguler cet état de fait, différentes solutions pourraient être mise en place. Chez BPI Real Estate, on suggère l’idée de constructions plus en hauteur (tout en privilégiant la proximité des transports publics et maintenant gratuits) et sur des modules de petites superficies. En effet et à ce propos, on note que certaines communes interdisent la création d’appartements inférieurs à 35 m2 . Certes, si cela rend la vie moins agréable dans lesdits logements, cette configuration favorise une vie extérieure comme cela a court à Paris ou Londres. Autre point noir souligné par Delphine Romano, les propriétaires privés ont tendance à garder leurs terrains, appartements ou maisons même inoccupés. On parle de taxer les logements vides…
Et voilà que l’on touche du doigt le mauvais combo: lenteur et complexité administrative. Les autorisations et les permis en tout genre mettent de plus en plus de temps à être délivrés. L’incitation à la vente ou à la construction sur terrains, offrirait indéniablement un nouveau souffle au marché immobilier.
Et pourquoi pas la création d’espace de coliving, propose encore BPI Real Estate. Amaury, étudiant et aspirant avocat s’apprêtant à revenir vivre au Grand-Duché, envisage sérieusement cette idée pour les premières années de sa vie de jeune salarié: «avec des revenus de junior, la solution me paraît idéale pour les 4, 5 ans à venir, me permettant de rester en centre-ville sans grever mon budget.»
Si vous vous lancez
En attendant d’opérer le grand saut et d’aller négocier avec votre banquier, capitalisez au maximum de façon à réduire vos mensualités ou annuités et n’oubliez pas que l’on demande dorénavant 20 % d’apport par rapport au montant total du projet. Choisissez un promoteur fiable, financièrement solide, et exigez de lui le sésame qui vous permettra des nuits presque sereines: la garantie d’achèvement obligatoire pour toute vente en état futur d’achèvement (VEFA). Avant cela, vous aurez, bien sûr, été positivement séduit par l’emplacement de votre projet immobilier, de préférence situé proche de commerces, de services et de transports en commun. Last but not least, à la livraison du bien et même si la seule chose dont vous rêvez est d’enfin poser vos cartons, assurez-vous qu’il n’y a pas de vices et le cas échéant, faîtes une liste détaillée des défauts ou malfaçons (ex: fissures qui, pour la petite anecdote, sont répertoriées «maladies de jeunesse» d’un bâtiment).
Etat providence
Quelle que soit votre situation, ne désespérez pas: l’Etat luxembourgeois donne des coups de pouce dans l’aide à l’accession à la propriété. Kewe Mar, agent immobilier, aime à rappeler cette anecdote: grâce aux aides financières mises en place par l’Etat, une de ses clientes, mère célibataire, a pu acquérir un bien et rembourser un crédit… moins élevé que son précédent loyer.
Bonification d’intérêt, prime d’acquisition, subvention d’intérêt…, sur le site logement.lu, découvrez toutes les aides financières (en capital ou en intérêts) que vous pouvez possiblement obtenir auprès du ministère du Logement et/ou auprès d'autres ministères et administrations lors de l'acquisition d'un bien.
Quelques échelles de valeur en tête…
• Luxembourg (pays), 600 000 habitants : augmentation moyenne du prix de l’immobilier sur cinq ans : +39,9% / m2 moyen dans la capitale : + de 7 000 euros.
• Paris intra-muros, 2,1 millions d’habitants : augmentation moyenne du prix de l’immobilier sur cinq ans : +21,6% / m2 moyen tous arrondissements confondus : 9 890 euros.
• Bordeaux (plus forte augmentation en France), 258 000 habitants : augmentation moyenne du prix de l’immobilier sur cinq ans : +38 % / m2 moyen : 4 722 euros.
• Genève, 199 000 habitants : augmentation moyenne du prix de l’immobilier sur cinq ans : environ +8 % / m2 moyen : 9 500 euros (forte hétérogénéité avec les biens de luxe). C.