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Un grand défi pour le Grand-Duché

Logement abordable

Photos: Archives LW

Une démographie toujours croissante, des prix de l’immobilier tout aussi à la hausse (tant à l’achat qu’à la location): l’accès au logement se révèle un dossier plus que sensible au Luxembourg. Ainsi, l’offre de logements «abordables» mérite d’être étoffée notamment à destination des classes moyennes.Les données chiffrées sont sans appel. Alors que le pays continue de gagner en population (626.100 habitants en 2020, soit + 12.000 par rapport à 2019), les statistiques de l’immobilier au Grand-Duché confirment chaque année davantage que le marché est tendu: plus de demandes que d’offres, des taux d’intérêts bas, et donc, des prix qui grimpent bien plus vite que dans les autres pays européens. Entre 2009 et 2019, le prix moyen enregistré par m² pour des appartements construits est ainsi passé de 3.488 euros à 6.057 euros!En conséquence, en dépit d’une reprise de la construction qui avait connu un net recul lors de la crise de 2008 (pour la seule année 2016, pas moins de 3.856 logements ont été achevés et livrés), se loger au Luxembourg tient de la chasse au trésor.Et quand on trouve, que ce soit à la location ou à l’achat, les loyers font mal! Ainsi la part des revenus et du budget de la famille consacrés à ce poste va grandissant, dépassant souvent désormais les 30 à 40 % (ce qui impacte moins apriori les foyers aisés).

Problème de définition

Ce phénomène est plus sensible pour les foyers à revenus modestes mais aussi, de plus en plus, parmi les classes moyennes… Dès lors, un consensus se fait jour pour aider voire doper la construction de logements «abordables». Mais il y a un problème: «Il n’existe pas à ce jour de définition claire et de base légale de ce que recouvre la notion de logement abordable. Parle-t-on de logements loués ou habités par leurs propriétaires? Veuton simplement évoquer des logements moins chers, qu’il s’agisse du loyer ou du prix d’achat? Si elle est souvent usitée, cette expression est floue...» constate avec dépit Magdalena Gorczynska, géographe, chercheuse au Liser (Institut de recherche socioéconomiques du Luxembourg), et qui vient de cosigner une note sur le sujet.

Ce à quoi le ministre du Logement et de la Sécurité publique, Henri Cox, répond en écho: «Sachant que ,l’abordabilité‘ ne signifie pas la même chose pour tout le monde, le gouvernement met en place une politique de logement qui tient compte des situations financières très diverses des ménages. La priorité est donnée aux locataires et aux personnes économiquement plus exposées. La politique du logement cible surtout cette population.» Et de se montrer plus précis encore: «30.000 ménages se voient aujourd’hui confrontés à des efforts financiers très lourds pour habiter.»

Or, pour les experts du Liser, l’idéal serait sans doute d’affiner les objectifs. Même si là encore, les outils statistiques font défaut. «Il y a une carence de données sur le logement subventionné en général», remarque Gorczynska.

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Cibler les classes moyennes?

Cependant, il apparaît bien qu’entre le logement d’urgence et le logement locatif à coût modéré (répondant aux textes de loi de 1979), réservés de facto aux ménages les plus précaires, et l’essentiel du parc privé dédié aux foyers qui peuvent sans difficulté notable consacrer 30 à 40 % (voire davantage) de leurs revenus à payer leur loyer ou à rembourser leurs emprunts, il y a comme un «trou d'air» remarque la chercheuse.

Lequel représente cependant une part importante de la population: les foyers des 2e et 3e quintiles (*), c'est-à-dire les classes moyennes et moyennes inférieures, soit quatre ménages sur dix. Ces derniers n’ont pas accès au logement social ou d’urgence mais sont de plus en plus asphyxiés par les coûts des loyers ou ne peuvent plus emprunter pour acheter. Elle suppose donc l’idée de créer «un nouveau sous-segment de logement abordable locatif, dit ,intermédiaire‘, dont le loyer devrait être fixé entre le loyer social et le loyer libre en fonction de la composition du ménage et du revenu».

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Pour l’heure, le gouvernement réagit en lien avec les collectivités locales. «Entre 2020 et 2023, 1.251 logements abordables, dont 775 logements locatifs viendront sur le marché», annonce le ministre, qui espère beaucoup également de deux projets de loi présentés cet été: le nouveau pacte logement et la réforme du bail à loyer. Le premier aidera les communes à financer leurs projets de constructions (d’habitations «abordables» et «durables»), le second limitera à cinq pour cent du capital investi à l’achat le montant maximum annuel du loyer fixé par le propriétaire et facilitera les colocations.

Une politique qui devrait être complétée ultérieurement, selon l’accord de coalition, par une réforme des aides au logement (montants et plafonds) pour qu’elles profitent à davantage de demandeurs. Mais au bout du compte, une donnée essentielle reste en suspens: personne ne peut à ce jour estimer sur des bases «établies» quel volume de logements «abordables» le Grand-Duché aurait besoin.

(*) Dans le domaine des statistiques sur le revenu, la population est divisée en cinq parties égales ou quintiles en fonction du niveau de revenus: le premier quintile comprend le 5e de la population en bas de l’échelle des revenus (c’est-àdire les 20 % de la population ayant les revenus les plus faibles), le deuxième quintile représente les 20 % suivants, etc. Texte: Emilie Di Vincenzo