«Mon regard sur l’année 2022 est optimiste» 

Entretien avec Laurent Schonckert, administrateur-directeur de Cactus, sur les défis, les projets et les objectifs

Laurent Schonckert expliquant comment Cactus compte entreprendre et innover à une époque marquée par le changement. Photos: C.

Malgré un marché tendu bousculé par les effets de la pandémie, de l’inflation et des crises géopolitiques, le groupe Cactus affiche un chiffre d’affaires en croissance et est engagé dans des projets d’expansion et de modernisation.Dans notre interview en deux parties, Laurent Schonckert, administrateur-directeur d’un des plus importants employeurs au Luxembourg, évoque les projets, les objectifs et les valeurs du groupe.Monsieur Schonckert, quels projets de Cactus se concrétiseront au cours de l’année, et quelles sont vos attentes par rapport au marché?Laurent Schonckert: Avant de faire une projection sur l’année qui vient de commencer, permettez-moi de passer en rétrospective l’année écoulée.Il reste vrai que Covid-19 a largement influencé l’année 2021, et je m’empresse de remercier tout d’abord le personnel de Cactus qui est resté fidèle au poste, et notre clientèle qui nous est restée attachée malgré tous les aléas pandémiques. L’effet Covid était évident, et il y avait aussi deux invités surprise qui ont influencé le marché. En l’occurrence l’inflation. Le prix du carburant traduit sans doute la hausse des prix de la manière la plus évidente, c’est le signe immergeant de l’iceberg, mais il y a aussi une pression très forte sur le prix de la matière première, qui est souvent liée à l’alimentaire. C’est une menace qui s’est exprimée en fin de l’année 2021 et qui continuera à influencer l’année 2022, sachant que les spécialistes de la finance internationale ne sont pas tous du même avis concernant l’évolution des prix et de l’inflation: est-ce un effet structurel ou éphémère?C’est en tout cas une réalité, et il faut s’attendre à des surprises au niveau des prix, au moins à court terme.

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Chantier de Cactus Roodt-Syre dont l’ouverture est prévue pour automne 2022. 
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Cactus shoppi TotalEnergies Pontpierre, le 1er site autoroutier de l’enseigne Cactus.

Est-ce que toutes les marchandises sont affectées?

Beaucoup de produits sont affectés. Prenez comme exemple les pâtes alimentaires dont la matière première, le blé, est sérieusement affecté par la hausse des prix. La tension du marché est forte, aussi pour des produits comme le papier ou les emballages en carton dont la matière première est souvent d’origine pétrolière.

Quel est le deuxième invité surprise qui a influencé fortement le marché?

A l’inflation se joignent les tensions géopolitiques qui deviennent de plus en plus menaçantes, ce qui signifie par ricochet des tensions sur les filières d’approvisionnement, par exemple en provenance de Chine. Le prix des conteneurs a explosé, donc forcément cela s’imputera sur le prix de vente.

Pandémie, inflation, tensions géopolitiques, c’est un cocktail inhabituel très dense! Mais mon regard sur l’année 2022 et au-delà n’est pas morose, au contraire, il est optimiste.

Quels sont donc les grands objectifs et les projets concrets pour 2022?

Cactus opère sur trois gros chantiers, avec des objectifs majeurs: l’extension de notre réseau de magasins, le renforcement et l’accélération de nos valeurs pionnières durables, et l’optimisation de l’informatique, des ressources humaines et de la logistique.

Il est utile de rappeler que le groupe Cactus exploite actuellement deux grands hypermarchés, treize supermarchés et neuf magasins de proximité, quatre Cactus hobbi, trois boutiques De Schnékert Traiteur et 35 magasins de «convenience», les Cactus shoppi. Cela fait au total 66 points de vente. Nous ne nous engageons pas dans une course au plus grand nombre de points de vente, mais nous essayons toujours de trouver les meilleurs emplacements pour être au plus proche de nos clients.

Nous sommes de plus en plus sollicités par des promoteurs immobiliers pour différents projets dans le pays, mais dans la majeure partie nous refusons l’offre parce que nos critères de sélection sont très sévères.

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Cactus shoppi répond aux attentes client par du convenience food de qualité.
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Eat Happy, référence internationale du sushi frais de qualité et partenaire de Cactus au Luxembourg.

Quels sont ces critères?

Un bon exemple est notre actuel projet-phare à Roodt-sur-Syre, qui sera un supermarché de taille moyenne avec 3.100 mètres carrés de surface, une petite galerie avec huit locataires, 350 emplacements pour les voitures. Ce nouveau supermarché créera une centaine d’emplois, qui s’ajouteront aux 4.513 personnes occupées par Cactus au 31 décembre 2021. Le nouveau supermarché ouvrira en automne.

Roodt-sur-Syre illustre bien les critères que nous considérons pour choisir un site. D’abord, il faut qu’il n’y ait pas un point de vente Cactus dans un rayon trop proche, histoire de ne pas marcher sur nos propres pieds. La visibilité est excellente puisque nous nous trouvons sur la route principale qui va de Niederanven à Roodt-sur-Syre, le site est facile d’accès. Ensuite, la zone de chalandise est intéressante puisqu’elle est toujours en croissance démographique, et le pou-voir d’achat potentiel des résidents est important. Ce sont ces critères essentiels qui nous guident dans le choix de nos emplacements.

C’est donc notre projet-phare pour 2022. Notre deuxième très grand projet, pour 2023 ou 2024, est celui de Lallange où nous nous trouvons dans un de nos fiefs historiques à Esch-sur-Alzette.

Et puis, nous avons aussi rénové pas mal de nos anciens supermarchés au cours des années passées, à Bereldange, Kayl et Howald, afin de permettre de bien espacer les rayons, les surfaces disponibles pourles clients. Dans les années 80 ou 90, nous mettions un maximum d’articles sur un minimum de surface, si j'ose dire. Alors qu’aujourd'hui, on essaie évidemment d'avoir toujours un maximum d'offres, mais il faut maintenant davantage de confort d'achat.

Les clients ont-ils bien adopté le nouveau look de ces magasins?

Oui, tout à fait. Les premiers magasins qu'on a transformés ont été bien accueillis, surtout qu’il y a toujours un certain risque quand on bouscule les habitudes des gens. Mais nous n’avons pas perturbé notre image de marque en évitant de diluer ce que le client est censé retrouver chez Cactus. Donc c’est un virage que nous avons réussi à prendre, comme récemment à Ingeldorf qui est aussi un magasin de la première génération. Un critère qui justifie ces investissements, c’est le chiffre d'affaires et le nombre de clients qui adhèrent à ce nouveau modèle.

Et cette clientèle évolue constamment. La population est devenue beaucoup plus cosmopolite. Il faut en tenir compte si on veut être compétent et toucher tous les résidents du pays.

Comment répondez-vous au changement des habitudes des consommateurs?

En nous adaptant constamment et en ne négligeant aucune clientèle. Il y a par exemple des nouvelles tendances comme les sushis faits sur place. Pour répondre à la demande, nous allons intégrer dans nos points de vente de plus en plus de stands Eat Happy, qui ont immédiatement connu un grand succès. Les offres sans viande, véganes, ou sans gluten, même si ce ne sont pas encore de grands marchés, auront leur place adéquate. Ce sont des niches, mais le bio était aussi une niche il y a 25 ans, et les produits biologiques font maintenant partie intégrante de notre offre. Tout comme les plats préparés, qui eux aussi répondent à une forte demande et qui sont appréciés pour leur qualité.

Et puis, nous entamons l’ouverture de nouveaux points de vente Cactus shoppi qui portera le nombre de ces magasins de convenience à 39 unités.

Les Cactus shoppi sont donc devenus un secteur très important pour Cactus?

Absolument. Ces shops franchisés répondent à un besoin de proximité, et nous avons intégré des gammes Cactus en boucherie, en pâtisserie et des produits De Schnékert Traiteur.

Je voudrais mettre en avant aussi le service postal que nous proposons dans nombreux Cactus et Cactus shoppi. Il s’agit d’un partenariat avec Post Luxembourg qui permet aux clients d’effectuer des transactions postales en même temps que leurs courses, et qui intègre sur différents sites des stations PackUp 24/24: un service fidèle à notre slogan «Cactus – Fir Iech do!».

Donc, les Cactus shoppi sont devenus très importants. Nous avons aujourd'hui 35 Cactus shoppi, le dernier étant notre premier magasin dans une station autoroutière TotalEnergies à Pontpierre. Nous nous retrouvons dans une franchise ouverte, les Cactus shoppi se trouvant dans des stations TotalEnergies, Gulf, Esso, Shell et Aral. Nous en sommes fiers parce que vendre un concept typiquement luxembourgeois à des acteurs internationaux comme TotalEnergies ou Esso, ce n’est pas rien. Nous les avons convaincus, et ils profitent d’une structure qui les aide parce qu'il ne faut pas perdre de vue que ces structures ont leur origine dans une culture pétrolière et non pas dans un commerce d’épicerie.

Ensuite, il y a les acteurs locaux, de vrais et bons indépendants, qui prennent la décision de se mettre dans une structure comme la nôtre, avec un cadre précis et des règles qu’il faut respecter.

Cette année, trois nouveaux Cactus shoppi ouvriront dans des stations essence TotalEnergies à Lorentzweiler, Bertrange-Bourmicht et Rumelange, et puis nous procédons à des rénovations à Mertzig, Windhof et Howald. Oui, les Cactus shoppi sont très importants pour Cactus!

L’extension du réseau Cactus et Cactus shoppi affecte sans doute le parc logistique. Comment y répondez-vous?

Nous sommes effectivement en croissance du chiffre d'affaires, et cela affecte forcément la logistique. Nous nous trouvons au Windhof depuis une bonne trentaine d'années, et tout doucement, les entrepôts risquent de devenir trop encombrés. Donc, l’extension de notre parc logistique est un très, très gros projet en cours de planification. Nous avons l’avantage de posséder encore pas mal de terrain à Windhof. Le projet ne verra pas le jour en 2022, mais il se prépare pour les années à venir.

Avez-vous de nouveaux projets dans le domaine du web shopping?

Il est vrai que nous étions présents il y a quelques années avec une offre en ligne, mais on l'a arrêtée pour certaines raisons. Était-ce le bon moment, était-ce trop tôt, ou aurions-nous dû ne pas supprimer cette offre? Nous n’avons pas de projets concrets, mais nous observons ce qui se fait à l'extérieur.

Je dois admettre, et je reste un peu confiné sur la partie alimentaire et sur le Luxembourg, que l’offre reste quand même assez anecdotique, sauf pour l'un ou l'autre spécialiste dans le domaine. Force est de constater qu’il n’y a pas l'engouement comme dans des grandes villes cosmopolites et mondiales.

Cependant, nous avons relancé une sorte de test de e-commerce avec une banque de la place de Luxembourg. Le personnel peut faire une commande, et le soir ou le lendemain, il trouve ses articles dans des casiers frigorifiés ou à des emplacements dédiés. Le Luxembourg compte un certain nombre d'institutions qui ont entre 1.000 et 3.000 employées et où ce système pourrait aboutir à quelque chose, un peu dans le style conciergerie que certaines entités proposent déjà à leurs salariés. C'est un test, je n'exclus rien, et ce sera le client qui nous guidera.

La deuxième partie de notre interview avec Laurent Schonckert, administrateur-directeur du groupe Cactus, sera publiée le samedi 22 janvier 2022. Claude François