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«Nous avons besoin du meilleur personnel pour servir le client»

Suite de l'entretien avec Laurent Schonckert, administrateur-directeur de Cactus, sur les défis, les projets & les objectifs du groupe

La préservation de la nature est une responsabilité qui incombe à la fois aux producteurs, aux distributeurs, ainsi qu’aux consommateurs. En optant pour des produits respectueux chacun apporte sa pierre à l'édifice.

Cactus opère sur trois gros chantiers, avec des objectifs majeurs comme l’extension du réseau de magasins, que Laurent Schonckert a exposée dans la première partie de notre interview, publiée le samedi 15 janvier. Les deux autres chantiers sont évoqués dans cette seconde partie de l’interview.Ces chantiers regroupent d’un côté le renforcement et l’accélération des valeurs pionnières durables de Cactus, et de l’autre côté l’optimisation de l’informatique, des ressources humaines et de la logistique.- Monsieur Schonckert, quelles sont les différentes facettes des valeurs durables qui sont si importantes pour Cactus?   

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Le soutien à l’agriculture locale en général et biologique en particulier importe à l’enseigne luxembourgeoise Cactus et à sa clientèle. Photos: C.

Laurent Schonckert: Dans notre corps de métier, elles englobent le local, le bio et l’équitable. Nous sommes très présents dans les filières agricoles locales, dont nous en promouvons actuellement six. Nous constatons depuis plus de 25 ans que le local a le vent en poupe, pas seulement au Luxembourg.

Et c’est aussi un sujet très sensible, terre à terre. Contrairement aux relations purement business avec les géants de l'agroalimentaire, nous côtoyons ici des gens qu'on connaît personnellement. Nous sommes convaincus que notre rôle consiste à soutenir les producteurs locaux, sans condition. C’est un secteur dans lequel Cactus évolue de façon conséquente. Je souligne que pour le bio, nous étions pionnier dans notre secteur et sur le marché luxembourgeois déjà en 1996.

Le mot d’ordre interne est de ne pas se reposer sur ses lauriers, bien au contraire, de chercher le contact avec tous les producteurs biologiques locaux et de définir ensemble des plans d’action ambitieux pour les années à venir.


Permettez-moi de citer des exemples qui illustrent l'importance du bio dans certains secteurs. Ainsi, la moitié des œufs que nous vendons sont biologiques. Je ne l'aurais pas pensé il y a cinq ou dix ans. Nos clients sollicitent ces produits et nous soutenons cette offre constamment et visons même les 100 pour cent d’œufs biologiques à moyen terme.

Deuxième exemple: le lait frais biologique, qui a fortement progressé et qui représente actuellement déjà plus de vingt pour cent de notre offre, et les bananes bio Fairtrade sont fortement appréciées par nos clients et constituent plus de 40 pour cent de la vente totale. Cela nous rend fiers, et cela prouve aussi quelque part que le distributeur peut guider les clients vers des valeurs durables.

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Depuis ce jeudi, un nouveau bar à chocolats à la Belle Etoile offre tout le bonheur du monde: des chocolats fabriqués artisanalement dans les ateliers protégés du Tricentenaire à Bissen.

- Venons-en à l’équitable, un sujet multi-facettes…

Je prends justement l'exemple de notre collaboration avec l'atelier protégé du Tricentenaire, que nous renforcerons cette année. Nous mettons en avant ces produits de manière encore beaucoup plus marquée, c.à.d. au-delà de leur présence historique dans nos rayons, avec un pop-up bar à chocolat du Cœur à la Belle Etoile. Promouvoir l’équitable et être quand même un bon chef d'entreprise, de gagner de l'argent, cela est possible.

Je citerai nos amis de la marque de cidre Ramborn qui répondent aux exigences du label Certified B Corporation et qui ont donc adhéré à cette philosophie entrepreneuriale basée sur l’équitable et le durable. Et puis, autre exemple, nous vendons aussi des tulipes écoresponsables, ou des bougies naturelles et locales… Ceci par conviction et parce que nous voulons proposer au-moins une alternative équitable, voire durable, pour chaque besoin de nos clients.

La semaine passée, j’ai lu un article dans le journal Handelsblatt qui confirme que les consommateurs achètent autrement, des produits plus verts, plus durables, et qu'ils acceptent que ces produits soient plus chers. Les gens sont conscients de ces valeurs, beaucoup plus qu’il y a encore quelques années.

Nous n’avons pas inventé cette tendance, mais nous ne cesserons jamais d'apporter des réponses et de développer nos offres.

- Comment le client répondil à l’offre et à ses besoins personnels?
     

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Le bien-être animal se vérifie au quotidien chez des producteurs comme la famille Jemming de la ferme biologique à Kahler. Photo: Lugdivine Unfer

Il y a différents types de clientèle, différentes attentes et différents souhaits qui ne sont pas obligatoirement incompatibles. Le prix reste toujours de la plus grande importance: Si on se retrouve hors du marché, même avec les meilleurs produits du monde, on risque d'avoir à terme un problème.

Mais nous avons constaté en 2020, pendant toute l’année 2021 et surtout en fin d’année, que les achats plaisir ont eu le vent en poupe. Les gens ont envie de faire la fête, c’est un effet de cette situation pandémique, et nous y avons répondu avec une offre alimentaire de grand niveau. Malgré le fait que nous n’ayons pas pu organiser nos foires aux vins classiques en 2022, nous avons eu de très belles ventes en vin et en champagne, c’était très surprenant et bien sûr très agréable pour nous.

Et puis, les besoins de la population changent constamment. Prenez la ville de Luxembourg qui compte 70 pour cent de résidents non luxembourgeois. La démographie change, et la clientèle aussi. Cela a un impact sur notre façon de faire du commerce. Selon le Statec, un ménage typique se compose de 2,6 personnes, c’est très loin des ménages classiques de 4, 5 ou 6 personnes. Ce sont des facteurs qui influencent évidemment la façon dont les gens achètent.

- Une clientèle qui bouscule les habitudes et les priorités d’achat…

C’est cela. Alors, est-ce que le client est cartésien, est-ce qu’il essaie de piocher un peu dans les trois ensembles, que soit le prix, la convivialité et le développement durable? A mon avis, cela dépend un peu de son humeur, de son pouvoir d'achat aussi. Il y a des clients qui cherchent plus le plaisir parce qu'ils ont plus de moyens, d'autres qui considèrent plutôt le prix parce qu’il y a un budget mensuel à contrôler.

Mais je pense que la partie RSE, développement durable, appelle plus à l’esprit qu’à l’effet prix ou au plaisir de la fête. Aujourd'hui, vous vous trouvez de plus en plus en confrontation: Vous avez un bon produit et en plus il est bon marché, mais s'il ne respecte pas les critères responsables et durables, les clients ont tendance à faire leur choix à l'inverse, en privilégiant un produit alternatif respectant ces critères aux vraies valeurs ajoutées.

Maintenant, notre rôle n’est pas d’éduquer les gens mais d’offrir la gamme la plus complète pour tous les types de clientèle. Il faut avoir son propre profil, et notre profil s’alimente autour des trois grands thèmes de société.

- Venons-en au service client, un axe très important pour votre groupe…
    

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«Fir Iech do», bien plus qu’un slogan sur une uniforme de travail. C’est une promesse aux clients qui est vécue au quotidien par l’ensemble des collaborateurs du groupe Cactus. Photo: Kachen Magazine

C’est aussi une notion qui n'est pas cartésienne, parce que chacun aura d'autres interprétations d’un bon service client. Mais les Luxembourgeois sont habitués à ce que la barre soit très haute. Nous adoptons toujours la philosophie de Monsieur Paul Leesch, le fondateur de Cactus, qui a toujours mis l’accent sur des magasins propres, bien achalandés, avec des rayons toujours remplis… et surtout un personnel aimable, serviable.

Malgré notre taille et les 4.513 personnes sous contrat, au 31 décembre 2021, nous restons une entité fidèle à ses valeurs. Il est vrai que la pandémie nous a permis d’embaucher plus de personnel pour certains départements. Est-ce que nous pourrons garder tout le monde par après? Cela dépendra de l'ampleur de l'activité, et de la situation dans le futur tout en espérant la fin du Covid. Je suis persuadé que nous avons maintenu un certain nombre de valeurs, et une forte appartenance à l'entreprise.

- Comment la pandémie a-t-elle affecté le personnel?

Au début de la pandémie, tout allait un peu à tort et à travers. Estce qu'il fallait mettre un masque, où en trouver, à quel rythme fallait-il se laver les mains, mettre du plexi entre les caisses? Est-ce que nos salariés ont peur? La très grande majorité de notre personnel nous a fortement soutenu. D’ailleurs, surtout au début de pandémie, quelques-unes de nos caissières ont eu droit à des cadeaux de la part de nos clients, une boîte de pralines, une petite fleur – ce sont des choses qui font chaud au cœur.

Nous avons besoin du meilleur personnel pour servir le client, un personnel qui fait tout pour le client. C’est une volonté, mais il faut aussi la soutenir. Ainsi, malgré la pandémie, nous n’avons jamais vraiment arrêté les formations, qu’elles soient techniques ou dédiées à l’approche du client. Cette manière de faire est ancrée dans la volonté entrepreneuriale de Cactus.

Et puis, l’un des sujets les plus importants actuellement, c’est la pénurie de personnel ou plutôt la difficulté de trouver le personnel adéquat, pour beaucoup de raisons que je ne vais pas étendre ici. Mais la pandémie n'a pas facilité la chose. Donc, je parlais tout à l'heure de la formation, et d'une culture d'entreprise, et en principe, nous arrivons à garder les bons profils, bien que nous en perdions de temps en temps.

Cactus reçoit entre 13.000 et 15.000 candidatures par an, ce qui n’est pas rien! Évidemment, on ne peut pas embaucher tout le monde, surtout que nous avons besoin de métiers spécialisés, boucher, boulanger, fleuriste, poissonnier, ou dans le non alimentaire des gens qui savent encore se servir d’outils, qui savent expliquer comment fonctionne une télévision. Cela devient de plus en plus difficile…

- Comment est-ce que le groupe Cactus répond aux défis informatiques qui deviennent forcément un grand challenge avec l’extension de votre réseau et la pression logistique?
     

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Un équilibre entre responsabilité économique, écologique et sociale est la vision de Ramborn, marque luxembourgeoise certifiée B Corp.

Il est vrai que notre métier, comme tant d’autres, est influencé par une IT performante, qu’il faut adapter. Nous sommes en train d'étoffer nos équipes en termes de ressources humaines et puis surtout, de développer avec un spécialiste un nouveau logiciel qui facilitera les métiers et le quotidien de nos salariés.

Un programme informatique, vous ne le changez pas tous les jours, et l'être humain est comme il est. Il aime s’habituer à quelque chose, il n’aime pas forcément les changements. Mais il faut avancer dans ce domaine, c’est un projet d'équipe, d'entreprise. Plusieurs départements sont concernés. A côté de la performance de l'outil, il faut aussi faciliter l’adhérence à un nouveau logiciel, ce qui n'est pas toujours facile.

- Revenons au service client et en particulier le service après-vente, un sujet qui vous est cher…

Oui, je dis toujours que dès qu’on vend des télés, un aspirateur ou une machine à tondre le gazon, il faut aussi aider le client quand il a un pépin.

Je ne vous cache pas que je reçois parfois des courriels ou du courrier dans lesquels des gens se plaignent, et alors je me rends compte que nous ne sommes parfois malheureusement pas aussi bons que je ne le pensais ou comme nous devrions l’être. Je crois cependant d'une façon globale que notre service client n'est pas mal loti, parce que nous nous sommes donné les moyens, surtout humains. Il y a toujours des choses à améliorer, mais nous avons quand même la bonne renommée d’être assez généreux quand il s’agit de l'échange de produits défectueux…

- Confiance – serait-ce le mot qui décrit le mieux la relation entre Cactus, son personnel et ses clients?

Oui, il est bon de le rappeler, car je le ressens surtout avec la progression de la pandémie. Le client avait confiance en nous lors de la pandémie, parce que nous avons tout de suite trouvé des solutions rassurantes. Les files devant les magasins, les gens si patients, si corrects, c’était admirable. Donc, je crois que la confiance était un facteur clé, nous avons su profiter de ce capital si précieux.

Claude François